La bombe sexuelle
Silvana Mangano accompagne Gina Lollobrigida sur deux films, L’Elixir de Mario Costa et Le Crime de Giovanni Episcopo d' Alberto Lattuada. A tout juste dix-neuf ans, elle est choisie à la deuxième audition et devant une cohorte de jolies filles pour incarner la protagoniste de Riz Amer de Giuseppe De Santis. Dans un short qui met en valeur sa silhouette méditerranéenne, avec un mouchoir sur la tête, une cigarette constamment à la bouche, Silvana Mangano explose dans toute sa splendeur. Le producteur Dino De Laurentiis tombe follement amoureux de l’actrice et l’épouse le 17 juillet 1949. Quatre enfants naissent de cette union, l'actrice Veronica De Laurentiis, la productrice Raffaella, le réalisateur Federico et Francesca. Le mari producteur fait avancer rapidement la carrière de sa femme, réussissant à lui faire abandonner le stéréotype de la femme à la « beauté terrienne » pour passer à celui de l'actrice sophistiquée. Elle obtient de grands rôles dans Le Loup de Sila avec Amedeo Nazzari, Anna d’Alberto Lattuada, Hommes et Loups de Giuseppe De Santis aux côtés d' Yves Montand et Le spectacle le plus comique du monde de Mario Mattoli avec Totò.
Percée hollywoodienne
Sa carrière, entièrement contrôlée par son mari, devient raffinée et intense au fil des films. Elle incarne une femme éthérée dans L’Or de Naples de Vittorio De Sica et tente sa chance aux États-Unis avec Mambo de Robert Rossen où elle retrouve Vittorio Gassman, Cinq Femmes marquées de Martin Ritt avec Jeanne Moreau, Barabbas de Richard Fleischer avec Anthony Quinn. Elle retrouve en Europe de grandes stars hollywoodiennes comme Anthony Perkins dans Barrage contre le Pacifique, Van Heflin dans La Tempête, Jack Palance dans Le Jugement dernier ou Clint Eastwood dans Les Sorcières. Contrairement à ses rivales, Silvana Mangano tourne peu mais ses prestations coïncident avec les moments les plus importants de l'histoire du cinéma italien, du néoréalisme à la comédie italienne, en passant par le cinéma d’auteur. Fatale, vulgaire, noble, théâtrale, intimiste, Silvana Mangano est proclamée « grande dame » du cinéma italien après sa prestation dans La Grande Guerre de Mario Monicelli.
Avec Pasolini et Visconti
Malheureusement, le rayonnement qu'elle dégage sur grand écran n’est pas en adéquation avec sa vie privée. Son mariage s’avère de plus en plus malheureux avec un époux qu’elle appelle froidement De Laurentiis. L’actrice se replie sur elle-même, devenant formelle et froide, même avec ses enfants qui ne la voyaient que brièvement à tel point qu'il tente de se suicider. Puis, après quelques films avec Tinto Brass qui n'est pas encore entré dans le cinéma érotique et des films historiques comme Le Procès de Vérone, elle rejoint Alberto Sordi dans La mia donna et Désolé, tu es pour ou contre ? et un vigoureux Marcello Mastroianni dans Moi, moi, moi et les autres. Silvana Mangano aurait probablement abandonné le cinéma sans la rencontre avec deux hommes, Pier Paolo Pasolini et Luchino Visconti qui vont l'aider à s'émanciper définitivement d'une tutelle maritale sous laquelle elle étouffe. La collaboration, basée sur une admiration réciproque que certains qualifièrent d'amour chaste entre l'actrice romaine et l'intellectuel bolognais s'étendra sur trois films. Pasolini en fait une femme perverse ou inaccessible, une Jocaste prédestinée à l'inceste dans Œdipe roi, une grande bourgeoise au sein d'une famille fragile dans Théorème, une Madone dans un monde de libertinage et d'aventures joyeusement amorales dans Le décameron. Luchino Visconti se montrera plus respectable avec elle, en lui confiant le rôle d’une mère sublîmée dans Mort à Venise, la tendre maîtresse de Richard Wagner dans Ludwig ou le crépusule des dieux et la séduisante épouse d'un industriel fasciste dans Violence et passion.
Une vie privée difficile
En 1981, son fils Federico, meurt dans une tragédie en avion en Alaska pendant le tournage d'un documentaire. Il n'avait que 26 ans. La diva, après avoir accepté, fortement poussée par son mari, le rôle de la Révérende Mère Ramallo dans Dune de David Lynch, que coproduit sa fille Raffaella se sépare de son mari et abandonne le métier d'actrice pour vivre entre Paris et Madrid. Souffrant de dépression, elle découvre qu'elle est atteinte d'un cancer de l'estomac et cela la renferme encore plus dans sa solitude. Sentant que la mort est désormais proche, elle fait la paix avec son ex-mari et accepte le dernier rôle de sa vie aux côtés de Marcello Mastroianni, dans Les Yeux noirs de Nikita MiKhalkov. Silvana Mangano s’éteint à Madrid, le 16 décembre 1989 d’une crise cardiaque pendant une opération d’ablation d’une tumeur. Celle qui avait déclaré «Je je ne m'aime pas » demeure une diva incontournable du cinéma italien. Elle n’avait 59 ans.
FILMOGRAPHIE :
Avec Pier Paolo Pasolini
1946 : Elixir d’Amour (L'elisir d'amore) de Mario Costa
1947 : Le Crime de Giovanni Episcopo (Il delitto di Giovanni Episcopo) d'Alberto Lattuada
1948 : Le Carrefour des passions (Gli uomini sono nemici) d'Ettore Giannini
1949 : Riz amer (Riso amaro) de Giuseppe De Santis
1949 : Cagliostro (Black Magic) de Gregory Ratoff
1949 : Le Loup de la Sila (Il lupo della Sila) de Duilio Coletti
1950 : Mara fille sauvage (Il brigante Musolino) de Mario Camerini
1951 : Anna(Anna) d'Alberto Lattuada
1953 : Il più comico spettacolo del mondo de Mario Mattoli
1954 : L'Or de Naples (L'oro di Napoli) de Vittorio De Sica, segment Teresa
1954 : Mambo (Mambo) de Robert Rossen
1954 : Ulysse (Ulisse) de Mario Camerini
1956 : Hommes et Loups (Uomini e lupi) de Giuseppe De Santis
1958 : Barrage contre le Pacifique (This Angry Age) de René Clément
1958 : La Tempête (La tempesta) d'Alberto Lattuada
1959 : La Grande Guerre (La grande guerra) de Mario Monicelli
1959 : Uomini e nobiluomini de Giorgio Bianchi
1960 : Cinq Femmes marquées (Five Branded Women) de Martin Ritt
1960 : Chacun son alibi (Crimen) de Mario Camerini
1961 : Une vie difficile (Una vita difficile) de Dino Risi
1961 : Le Jugement dernier (Il giudizio universale) de Vittorio De Sica
1961 : Barabbas (Barabba) de Richard Fleischer
1963 : Le Procès de Vérone (Il processo di Verona) de Carlo Lizzani
1964 : La Soucoupe volante (Il disco volante) de Tinto Brass
1964 : Ma femme (La mia signora) de Mauro Bolognini, Tinto Brass et Luigi Comencini
1966 : Moi, moi, moi et les autres (Io, io, io... e gli altri) d'Alessandro Blasetti
1967 : Les Sorcières (Le streghe) de L. Visconti, M. Bolognini, P. P. Pasolini, F. Rossi et V. De Sica
1967 : Œdipe roi (Edipo re) de Pier Paolo Pasolini
1967 : Scusi, lei è favorevole o contrario? d’Alberto Sordi
1968 : Théorème (Teorema) de Pier Paolo Pasolini
1968 : Caprice à l'italienne (Capriccio all'italiana) de Mario Monicelli et Pino Zac
1971 : Le Décaméron (Il Decameron) de Pier Paolo Pasolini
1971 : Mort à Venise (Morte a Venezia) de Luchino Visconti
1971 : Scipion, dit aussi l'Africain (Scipione detto anche l'africano) de Luigi Magni
1972 : Ludwig Le Crépuscule des dieux (Ludwig) de Luchino Visconti
1972 : L'Argent de la vieille (Lo scopone scientifico) de Luigi Comencini
1972 : Mourir d'amour (D'amore si muore) de Carlo Carunchio
1974 : Violence et Passion (Gruppo di famiglia in un interno) de Luchino Visconti
1984 : Dune (Dune) de David Lynch
1987 : Les Yeux noirs (Oci ciornie) de Nikita Mikhalkov
Filmographie de Silvana MANGANO