Sessue Hayakawa, de son vrai prénom Kintarô, voit le jour à Chiba, le 10 juin 1889. Fils du président d’une association de pêcheurs, Hayakawa passe son enfance dans le grand port de Chiba alors que l’empereur Meiji a ré-ouvert le pays à l’occident et aboli la féodalité. Très jeune, il nourrit une admiration sans limite pour l’amiral Togo, héros de la guerre russo-japonaise. Il envisage de faire carrière dans la marine, mais il échoue au concours d’entrée de l’Ecole navale à la suite d’un accident de plongée. Déçu, il tente de se faire hara-kiri. Puis, en 1911, il part pour les États-Unis étudier l’économie politique à l’université de Chicago.
Star asiatique
Après quelques essais prometteurs au théâtre, Sessue Hayakawa rencontre sa compatriote l’actrice Tsuru Aoki qu’il épouse. Déjà célèbre, elle le présente au cinéaste Reginald Barker qui le dirige, en 1914, dans son premier film La colère des dieux produit par Thomas Harper Ince. Ce dernier l’engage pour quatorze courts métrages et le long métrage L’Honneur japonais réalisé à nouveau par Reginald Barker qui le propulse au rang de vedettes. En 1915, Cecil B. DeMille le filme dans Forfaiture avec Fannie Ward. Dans son interprétation d’un Japonais marquant au fer rouge une femme blanche qui l’a trahi, son jeu dépouillé et minimaliste contraste avec l’outrance des grimaces et des gesticulations de mise chez les comédiens du muet. Il crée une compagnie avec Tsuru Aoki, la Haworth Pictures Corporation, qui produit vingt-deux films de 1918 à 1922 mais obtient des résultats financiers médiocres. Au total c’est quarante films en cinq ans que tourne Sessue Hayakawa, tous des succès. Il peut être le bel amant, jeune et racé, le détective astucieux ou le dandy inquiétant. Il est l’un des acteurs les mieux payés d’Hollywood. Du jamais vu pour un acteur asiatique.
Péril jaune en France
À partir de 1923 où il est l’interprète de La Bataille d’Édouard Violet, il se rend fréquemment en France. A la fin des années 1920, Hollywood lui procure son premier rôle parlant dans La fille du Dragon avec l’autre star asiatique Anna May Wong puis l’oppose à Douglas Fairbanks Sr dans Le Tour du monde en 80 minutes de Victor Fleming. Il fait un détour à Broadway et retourne au Japon, en 1932, pour réaliser son propre film, Le soleil se lève à l’est. Mais il a envie de retrouver Paris. En 1937, il interprète le prince Hu Long dans un nouveau Forfaiture de Marcel L’Herbier avec Louis Jouvet. Le film est très bien accueilli. L’acteur japonais tourne Yoshiwara sous la direction de Max Ophüls avec Pierre Richard-Willm et Tempête sur l’Asie de Richard Oswald avec Conrad Veidt. En 1939, il affronte, dans la vieille colonie portugaise de Macao, l’enfer du jeu, l’immense Erich von Stroheim. Le film ne sortira qu’en 1942 sous une version aryanisé, Pierre Renoir remplaçant Stroheim. Hayakawa reste en France pendant l’occupation. Tout en vendant ses peintures, il tourne quelques films dont Malaria avec la très belle Mireille Balin, puis Quartier chinois avec Michèle Alfa et Le cabaret du grand large avec Suzy Prim.
La star devenue moine
Sessue Hayakawa reconquiert le cœur du public américain grâce à Tokio Joe de Stuart Heisler, dans le quel la Columbia l’a engagé pour donner la réplique à Humphrey Bogart. Il crève l’écran et enchaîne avec Captives à Bornéo de Jean Negulesco où il martyrise Claudette Colbert et avec La maison de bambou de Samuel Fuller. Il obtient la consécration en 1957 dans le film britannique Le pont de la rivière Kwaï de David Lean, dans le rôle du commandant d’un camp de prisonniers Saïto qui s’oppose à l’officier britannique Alec Guinness. On le retrouve encore dans quelques films dont Le kid en kimono avec Jerry Lewis où il s’auto-parodie, Les vertes demeures de Mel Ferrer. En 1960, Sessue Hayakawa tourne Saïpan avec son épouse Tsuru Aoki. À la mort de cette dernière en 1962, il va s’éloigner du cinéma et devenir moine bouddhiste zen. La première star internationale asiatique et le plus français des acteurs japonais décède le 13 novembre 1973, à Tokyo.
FILMOGRAPHIE :
Avec Tsuru Aoki
1914 : L’honneur japonais (The Typhoon) de Reginald Barker
1914 : After five de Cecil B. DeMille & Oscar Apfel
1915 : Forfaiture (The Cheat) de Cecil B. DeMille
1915 : La Trace (The Clue) de James Neill & Frank Reicher
1915 : The secret sin de Frank Reicher
1915 : Tentation (Temptation) de Cecil B. DeMille
1916 : L’âme de Kuru San (The Soul of Kura San) d’Edward LeSaint
1916 : Âmes d’étrangers (Alien Souls) de Frank Reicher
1916 : The honorable Friend d’Edward LeSaint
1916 : The Victoria Cross d’Edward LeSaint
1916 : Œil pour œil (The Call of the East) de George Melford
1917 : Hara kiri (Hashimura Togo) de William C. DeMille
1917 : The secret Game de William C. DeMille
1917 : Each to his Kind d’Edward LeSaint
1917 : Un Drame au pays de l’ivoire (The white Man’s Law) de James Young
1917 : Soupçon tragique (The Honor of his House) de William C. DeMille
1917 : La Voix du sang (The City of dim Faces) de George Melford
1917 : La Bouteille enchantée (The Bottle Imp) de Marshall Neilan
1917 : El Jaguar (The Jaguar’s Claws) de Marshall Neilan
1917 : Forbidden paths de Robert Thornby
1917 : La Blessure qui sauve (The Hidden Pearls) de George Melford
1918 : Le Sacrifice de Tamura (The Bravest Way) de George Melford
1918 : Le Temple du crépuscule (The Temple of Dusk) de James Young
1918 : Amour de geisha (A Heart in Pawn) de William Worthington
1918 : Fils d’Amiral (His Birthright) de William Worthington
1919 : His Debt de William Worthington
1919 : The courageous Coward de William Worthington
1919 : The Man beneath de William Worthington
1919 : The Dragon Painter de William Worthington
1919 : Le Prince mystérieux (The illustrious Prince) de William Worthington
1919 : Bonds of Honor de William Worthington
1919 : Le Lotus d’or (The Tong Man) de William Worthington
1919 : The Gray Horizon de William Worthington
1919 : Locked Lips de William C. Dowlan
1920 : The Beggar Prince de William Worthington
1920 : The Brand of Lopez de Joseph de Grasse
1920 : The Devil’s Claim de Charles Swickard
1920 : Li Ting Lang (Traditions Altar) de Charles Swickard
1920 : An Arabian Knight de Charles Swickard
1921 : The First Born de Colin Campbell ave Anna May Wong
1921 : Les Roses noires (Black Roses) de Colin Campbell
1921 : Where Lights are low de Colin Campbell
1921 : Le Devin du faubourg (The Swamp) de Colin Campbell
1922 : Five Days to live de Norman Dawn
1922 : La Colère des Dieux (The Vermillion Pencil) de Norman Dawn
1923 : La Bataille d’Edouard-Emile Violet
1923 : J’ai tué ! de Roger Lion
1924 : The Great Prince Shan d’A.E. Coleby
1924 : Sen Yan’s Devotion d’A.E. Coleby
1930 : La Fille du Dragon (Daughter of the Dragon) de Lloyd Corrigan
1931 : Le Tour du monde en 80 mn (Around the World in eighty minutes) de Victor Fleming
1932 : Le Soleil se lève à l’Est (Taiyo wa higashi yori) de Sessue Hayakawa
1936 : Tojin Okichi de Taizô Fuyushima
1936 : La Fille du Samouraï (Atarashiki Tsuchi) d’Arnold Fanck & Mansaku Itami
1937 : Forfaiture de Marcel L’Herbier
1937 : Yoshiwara de Max Ophüls
1938 : Tempête sur l’Asie de Richard Oswald
1939 : Macao, l’enfer du jeu de Jean Delannoy
1941 : Patrouille blanche de Christian Chamborant
1942 : Le Soleil de minuit de Bernard Roland
1942 : Malaria de Jean Gourguet
1945 : Quartier Chinois de René Sti
1946 : Le Cabaret du Grand Large de René Jayet
1949 : Tokyo Joe de Stuart Heisler
1949 : La lointaine Mère Patrie (Harukanari haha no kuni) de Daisuke Itô
1950 : Captive à Bornéo (Three came home) de Jean Negulesco
1950 : Les misérables, anges et démons (Re mizeraburu : Kami to akuna) de Daisuke Itô
1950 : Les misérables (Re mizeraburu : kami to jiyu no hata) de M Makino
1952 : Higegi no shogun Yamashita Yasubumi de Kiyoshi Saeki
1953 : Kurama tengu to Katsu Kaishû de Tomiyasu Ikeda
1953 : Onna kanja himon : Akô rôshi d’Yasushi Sasaki
1954 : Maison de Bambou (House of bamboo) de Samuel Fuller
1957 : Le Pont de la rivière Kwai (The Bridge on the River Kwai) de David Lean
1958 : Le Kid en kimono (The Geisha Boy) de Frank Tashlin
1959 : Les Vertes Demeures (Green Mansions) de Mel Ferrer
1959 : Les Robinson des Mers du Sud (Swiss Family Robinson) de Ken Annakin
1960 : Saïpan (Hell to Eternity) de Phil Karlson
1962 : The big Wave de Tad Danielewski
Filmographie de Sessue HAYAKAWA