Un singulier visage
Fille de l’actrice du muet Anna Lehr, Ann Dvorak est née Anna McKim, le 2 août 1912 à New York. Elle apparaît pour la première fois au cinéma à quatre ans, sous le nom de Baby Anna Lehr dans le film Ramona de Donald Crisp où elle incarne la jeunesse de l’héroïne interprétée par Adda Gleason. Elle commence à travailler pour la MGM à la fin des années 1920 comme professeur de danse puis tourne dans des films comme choriste. Son amie Joan Crawford la présente au milliardaire Howard Hughes, qui en fait une actrice dramatique. Dvorak fait des débuts assez déshabillés dans Sky Devils aux côtés de Spencer Tracy. Elle est révélée au grand public dans Scarface où elle tient le rôle de la sœur de Paul Muni. Leur liaison incestueuse fait sensation. Réputée pour son style et son élégance, elle devient l’une des stars de la Warner Brothers dans les années 1930, et tient les premiers rôles dans plusieurs films sentimentaux et des mélodrames comme Love is the Racket avec Douglas Fairbanks Jr, La Foule hurle avec James Cagney (à noter qu’une version française est tournée avec Jean Gabin), The Strange Love of Molly Louvain, un classique de Michael Curtiz et Crooner de Lloyd Bacon. Elle connaît également un autre gros succès en interprétant le rôle tragique de Vivian dans Une allumette pour trois où elle donne la réplique à deux autres actrices de tempérament, Bette Davis et Joan Blondell. Lorsqu’elle apprend que celui qui joue son fils dans ce film reçoit le même cachet qu’elle, Ann Dvorak met un terme à son contrat avec la Warner.
Un destin de rebelle
Elle se produit désormais elle-même, mais si elle trouve toujours des rôles à jouer, la qualité des scripts décline rapidement. On la retrouve ainsi comme la secrétaire de Perry Mason, incarné par Donald Woods dans The Case of the Stuttering Bishop, Lydia dans Massacre auprès du rebelle indien Richard Barthelmess et surtout la pugnace Jean Morgan dans G’Men aux côtés de James Cagney. On la retrouve dans le sanglant Gangs of New York de James Cruze, dont Martin Scorsese fera un remake. Elle se produit également sur les planches à Broadway, notamment dans Johnny Belinda qui rencontre un franc succès et une belle reconnaissance pour son talent. Ann est mariée depuis le 18 mars 1932 à l’acteur et réalisateur britannique Leslie Fenton. Comme elle, Fenton n’apprécie pas le travail à la chaîne imposé par les studios. Ce qu’il aime avant tout, c’est la liberté de création et les voyages. Ann le suit en Angleterre pendant la guerre et elle tourne ainsi une poignée de films au Royaume-Uni, comme Escape to Danger avec Eric Portman, tout en participant à l’effort de guerre comme ambulancière. Le couple divorce en 1945.
Le bonheur d'une femme libre
De retour à Hollywood, elle donne la réplique à John Wayne dans La Belle de San Francisco, puis à Henry Fonda dans The Big Night d’Anatole Litvak. Son interprétation d’entraîneuse de saloon dans Règlement de comptes à Abilene est inoubliable. Elle épouse en 1947 l’acteur russe Igor Dega, un ancien aristocrate dont la famille a fui la Russie Soviétique alors qu’il n’était que nourrisson. Après le sinistre film de guerre anticommuniste, J’étais une espionne américaine signée Lesley Selander, Ann tourne un dernier petit rôle dans L’Énigme du Lac Noir avec Gene Tierney en 1951. Elle n’apparaîtra plus que dans quelques séries pour la télévision de 1950 à 1952, comme Le Procès de Mary Dugan, filmé en direct avant de mettre un terme définitif à sa carrière, à la suite de son mariage avec son troisième et ultime époux, Nicholas Wade, décédé en 1975. Elle passe ses années de retraite dans l’anonymat et meurt d’un cancer de l’estomac à Honolulu, le 10 décembre 1979. Deux ans avant sa mort, Ann dira : «J’ai jeté ma vie et ma carrière par la fenêtre.» Mais doit-elle regretter d’avoir choisi le bonheur d’une femme libre partageant les voyages de son fantasque mari aux cadences infernales imposées par l’usine hollywoodienne. Son bilan honorable parle en sa faveur.
FILMOGRAPHIE :
Avec Leslie Fenton
1917 : The Man Hater d’Albert Parker
1920 : The Five Dollar Plate de J. Gordon Cooper et Carl Harbaugh (cm)
1929 : Hollywood chante et danse (Hollywood Revue of 1929) de Charles F. Reisner
1929 : So this is College de Michael Curtiz
1929 : La grande Vie (It’s a Great Life) de Sam Wood
1929 : Le Lieutenant sans gêne (Devil may care) de Sidney Franklin
1929 : Woman Racket d’Albert H. Kelley & Robert Ober
1929 : Lord Byron of Broadway d’Harry Beaumont
1929 : Chasseurs de Rêves (Chasing Rainbows) de Charles F. Reisner
1930 : Le Metteur en scène (Free and Easy) d’Edward Sedgwick
1930 : Plaisirs de Jeunesse (Children of Pleasure) d’Harry Beaumont
1930 : Cœurs impatients (Our Blushing Brides) d’Harry Beaumont
1930 : Way out West de Fred Niblo
1930 : Bonnes Nouvelles (Good News) de Nick Grinde
1930 : Buster s’en va-t-en guerre (Doughboys) d’Edward Sedgwick
1930 : Love in the Rough de Charles F. Reisner
1930 : A Tailor made Man de Sam Wood
1930 : La Pente (Dance, Fools, Dance) d’Harry Beaumont
1931 : C’est mon Gigolo (Just a Gigolo) de Jack Conway
1931 : Élection orageuse (Politics) de Charles F. Reisner
1931 : Le Fils du Rajah (Son of India) de Jacques Feyder
1931 : This Modern Age de Nick Grinde
1931 : The Guardsman de Sidney Franklin
1932 : L’As malgré lui (Sky Devils) d’A. Edward Sutherland
1932 : Scarface (Scarface) d’Howard Hawks
1932 : La Foule hurle (The Crowd Roars) de Howard Hawks
1932 : L’étrange Passion de Molly Louvain (The Strange Love of Molly Louvain) de M. Curtiz
1932 : L’Amour en vitesse (Love is a Racket) de William A. Wellman
1932 : Crooner de Lloyd Bacon
1932 : Une Allumette pour trois (Three on a Match) de Mervyn LeRoy
1933 : L’Amour guide (The Way to Love) de Norman Taurog
1933 : College Coach de William A. Wellman
1934 : Massacre (Massacre) d’Alan Crosland
1934 : Éclair de chaleur (Heat Lightning) de Mervyn LeRoy
1934 : The Friends of mrs Sweeney d’Edward Ludwig
1934 : Midnight Alibi d’Alan Crosland
1934 : Femme d’intérieur (Housewife) d’Alfred E. Green
1934 : Side Streets d’Alfred E. Green
1934 : I sell anything de Robert Florey
1934 : Gentlemen are born d’Alfred E. Green
1934 : Murder in the clouds de D. Ross Lederman
1935 : Douce Musique (Sweet Music) d’Alfred E. Green
1935 : Les Hors-la-loi ('G' Men) de William Keighley
1935 : Dans le décor (Bright Lights) de Busby Berkeley
1935 : Docteur Socrate (Dr. Socrates) de William Dieterle
1935 : Votez pour moi (Thanks a Million) de Roy Del Ruth
1936 : Prisons d’Hommes (We who are about to die) de Christy Cabanne
1936 : Midnight Court de Frank McDonald
1937 : The Case of the Stuttering Bishop de William Clemens
1937 : Racing Lady de Wallace Fox
1937 : Double Enquête (She's no Lady) de Charles Vidor
1938 : Madame et son clochard (Merrily we live) de Norman Z. McLeod
1938 : La Loi de la Pègre (Gangs of New York) de James Cruze
1939 : L'Étrange rêve (Blind Alley) de Charles Vidor
1939 : Témoin imprévu (Stronger than Desire) de Leslie Fenton
1940 : Cafe Hostess de Sidney Salkow
1940 : Des Filles sur la Route (Girls on the Road) de Nick Grinde
1942 : This was Paris de John Harlow
1943 : Squadron Leader X de Lance Comfort
1943 : Escape to Danger de Lance Comfort
1945 : La Belle de San Francisco (Flame of Barbary Coast) de Joseph Kane
1945 : Masquerade à Mexico (Masquerade in Mexico) de Mitchell Leisen
1946 : Règlement de comptes à Abilene (Abilene Town) d’Edwin L. Marin
1946 : Quatre Filles cherchent un mari (Bachelor’s Daughters) d’Andrew L. Stone
1947 : Au-dessus du Ciel (Out of the Blue) de Leigh Jason
1947 : Bel-Ami (The Private Affairs of Bel Ami) d’Albert Lewin
1947 : La Longue Nuit (The Long Night) d’Anatole Litvak
1948 : La Ville empoisonnée (The Walls of Jericho) de John M. Stahl
1950 : Celle de nulle part (Our very Own) de David Miller
1950 : Ma vie à moi (A Life of her Own) de George Cukor
1950 : Le Retour de Jesse James (The Return of Jesse James) d’Arthur Hilton
1950 : Mrs. O'Malley and Mr. Mallone de Norman Taurog
1951 : J'étais une espionne américaine (I was an American Spy) de Lesley Selander
1951 : L'Énigme du lac noir (The Secret of Convict Lake) de Michael Gordon
Filmographie d'Ann DVORAK