Fille d'un ingénieur français et d'une exilée russe, Valentine Anne Tessier voit le jour à Paris, le 5 août 1892. Elle grandit à Montrouge dans une famille de trois enfants qui parlent aussi bien le russe que le français et dont elle est la seule fille. La petite Valentine fait une scolarité poussive, n'aimant que les leçons de récitation et après avoir obtenu difficilement son certificat d'études fais son apprentissage dans un atelier de couture. Attirée par le théâtre, elle échoue par trois fois au concours d'entrée au conservatoire. Elle est cependant engagée à l'Odéon puis dans la troupe de Jacques Copeau au théâtre du Vieux Colombier et en tournée dans toute la France. En 1912, elle est dirigée au cinéma dans huit films courts dont Britannicus et Le Fils prodigue de Camille de Morlhon, un des pionniers du cinéma d'art. Elle y déploie un jeu sobre et moderne qui tranche avec l'époque.
Copeau et Jouvet
Pendant la Première Guerre mondiale, elle suit la troupe aux États-Unis et en Grande-Bretagne où elle rencontre un critique d'art d'origine juive dont elle aura une fille, Alice, née en 1917. Elle a une rencontre décisive avec Gaston Gallimard. De retour à Paris au début des années vingt, Valentine Tessier triomphe sur les planches. Elle campe une Périchole inoubliable dans Le Carrosse du Saint-Sacrement et en 1922 une retentissante Célimène dans Le Misanthrope. Elle suit Louis Jouvet pour une série de créations comme Jean de la Lune, La femme en fleur, Duo, Chéri, Lucienne et le boucher, Siegfried et Amphitryon 1938 qui en font une divinité du théâtre. Elle ne revient qu'exceptionnellement dans les studios de cinéma et campe l'insupportable et impatiente cliente de la modiste dans Un chapeau de paille d'Italie que René Clair adapte d'une pièce d'Eugène Labiche.
Emma Bovary
Quand le parlant débute, Valentine Tessier est installée dans une maturité songeuse qui lui permet d'interpréter les amoureuses sur la pente fatale. Elle prend toute sa dimension dramatique en incarnant Emma Bovary dans Madame Bovary de Jean Renoir d'après Gustave Flaubert. De ce film naît une grande amitié avec Pierre Renoir, le frère du réalisateur qui joue son époux Charles Bovary. Elle tourne six films pendant les années trente dans des petits rôles sous la direction d'Abel Gance (Jérôme Perreau héros des barricades), Jacques Deval (Club de Femmes) ou Julien Duvivier (La Charrette fantôme). Pendant l'occupation elle excelle dans les rôles de mères nostalgiques comme dans Le lit à colonnes tiré d'un roman de Louise de Vilmorin où elle joue la mère d'Odette Joyeux et l'épouse du gardien de prison mélomane Fernand Ledoux. Puis Valentine Tessier s'exile en Angleterre.
Églantine
Elle reprend ses activités théâtrales en 1946 et donne la réplique à Jules Berry dans le film Désarroi. Elle apparaît dans plusieurs films d'époque comme Une fille nommée Madeleine d'Augusto Genina, Procès au Vatican sur l'affaire de Thérèse de Lisieux, Lucrèce Borgia avec Martine Carol, Notre-Dame de Paris avec Anthony Quinn ou French Cancan où elle retrouve Jean Renoir aux côtés de Jean Gabin et Françoise Arnoul. Elle fait une apparition remarquée en campant la vieille dame sans illusion de Maigret et l'affaire Saint Fiacre avec Jean Gabin dans le rôle du commissaire. À près de 70 ans, Valentine Tessier s'installe dans une petite propriété à l'ombre de l'Abbaye de Ligugé dans le Poitou et prend ses distances avec la scène. Jean-Claude Brialy sort l'artiste de sa retraite pour lui faire jouer à près de quatre-vingts ans Églantine, une vieille dame touchante. Elle tourne un dernier téléfilm Grilles closes d'Henri Helman en 1979. La comédienne décède à 89 ans le 11 août 1981 à Vallauris dans une maison de repos après une blessure. Conformément à ses dernières volontés, Valentine Tessier est enterrée dans le petit cimetière du village normand de Pressagny-l'Orgueilleux, à côté de sa fille disparue prématurément en 1964 et près de la maison où elle vécut heureuse avec ceux qui furent chacun des amis très chers, l'éditeur Gaston Gallimard et le comédien Pierre Renoir.
FILMOGRAPHIE :
Avec Jean-Claude Brialy
1912 : La haine de Fatimeh de Camille de Morlhon
1912 : Vengeance Kabyle (Kabylen wraak) de Camille de Morlhon (cm)
1912 : La fiancée du spahi de Camille de Morlhon (cm)
1912 : La belle princesse et le marchand de Camille de Morlhon (cm)
1912 : Britannicus de Camille de Morlhon (cm)
1912 : Le fils prodigue de Camille de Morlhon
1913 : En mission de Camille de Morlhon (cm)
1927 : Un chapeau de paille d'Italie de René Clair
1933 : Madame Bovary de Jean Renoir
1935 : Jérôme Perreau héros des barricades d'Abel Gance
1936 : Ménilmontant de René Guissart
1936 : Club de femmes de Jacques Deval
1937 : Abus de confiance d'Henri Decoin
1939 : La charrette fantôme de Julien Duvivier
1939 : L'embuscade de Fernand Rivers
1942 : Le lit à colonnes de Roland Tual
1946 : Désarroi de Robert-Paul Dagan
1949 : Les deux vérités (Le due verità) d'Antonio Leonviolla
1950 : Justice est faite d'André Cayatte
1951 : Nez de cuir d'Yves Allégret
1952 : Procès au Vatican d'André Haguet
1952 : La neige était sale de Luis Saslavsky
1953 : Des quintuplés au pensionnat de René Jayet
1953 : Lucrèce Borgia de Christian-Jaque
1953 : Une fille nommée Madeleine (Maddalena) d'Augusto Genina
1953 : Les enfants de l'amour de Léonide Moguy
1954 : French Cancan de Jean Renoir
1956 : Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy
1957 : La fille Elisa de Roger Richebé
1959 : Maigret et l'affaire Saint-Fiacre de Jean Delannoy
1968 : L'idiot d'André Barsacq (tv)
1972 : Églantine de Jean-Claude Brialy
1973 : Grandeur nature (Tamaño natural) de Luis García Berlanga
1974 : La rivale de Sergio Gobbi
1979 : Grilles closes d'Henri Helman (tv)
Filmographie de Valentine TESSIER