Une belle carrière sur les planches
L'année suivante, Emmanuelle Riva débute au théâtre Gramont dans Le Héros et le Soldat de George Bernard Shaw, mis en scène par René Dupuy. Jusqu'en 2014, la belle voix douce et délicate de la comédienne est mise à contribution dans une quarantaine de pièces, à Paris et en Province, où elle sert les plus grands auteurs, classiques ou contemporains, parmi lesquels Henri Bernstein pour Espoir, Maxime Gorki pour Les enfants du soleil, Vercors Zoo (1964), Harold Pinter pour Le retour, Shakespeare pour Macbeth, Ivan Tourgueniev pour Un mois à la campagne, Marivaux pour Les fausses confidences, Montherlant pour L'exil, Luigi Pirandello pour La vie que je t'ai donnée, Molière pour Georges Dandin, Euripide pour Médée ou Marguerite Duras pour Savannah Bay.
Le cinéma d'auteur
Emmanuelle Riva fait son entrée au cinéma, en 1958. Après une apparition dans Les grandes familles de Denys de La Patellière, elle tourne dans Hiroshima mon amour, réalisé par Alain Resnais, qui cherche alors une inconnue pour interpréter la jeune actrice qui part tourner un film à Hiroshima et qui tombe amoureuse d'un japonais incarné par Eiji Okada. Écrit par Marguerite Duras, le film remporte un immense succès critique et public. Devenue une des figures marquantes de la Nouvelle Vague, elle enchaîne les rôles de femmes énigmatiques, comme la veuve de guerre dans Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville avec Jean-Paul Belmondo, l'empoisonneuse Thérèse Desqueyroux de Georges Franju avec Philippe Noiret, d'après le roman de François Mauriac, ou l'aristocrate qui héberge les prisonniers de guerre dans Thomas, l'imposteur de Georges Franju avec Jean Servais. Elle travaille beaucoup en Italie où elle donne la réplique à Simone Signoret dans Adua et ses compagnes, Susan Strasberg dans le dérangeant Kapo de Gillo Pontecorvo où elle incarne une surveillante juive dans un camp de concentration, Ugo Tognazzi dans Les Heures de l'Amour, une de ses rares comédies et Jean-Louis Trintignant dans un sketch de Meurtre à l'Italienne.
Un cinéma sans concession
Par la suite, Emmanuelle Riva poursuit sa carrière à l'écran sans concession, refusant bon nombre de rôles, choisissant avec exigence les personnages qu'elle doit interpréter. On la voit en épouse de Jacques Brel dans Les risques du métier d'André Cayatte, dans le film japonais Cinq mille kilomètres vers la gloire auprès de Toshiro Mifune, et tourne notamment pour Claude Bernard-Aubert (Les portes de feu), Fernando Arrabal (J'irai comme un cheval fou), Jean-Pierre Mocky (Y a-t-il un Français dans la salle?), Marco Bellocchio (Les yeux, la bouche) ou Philippe Garrel (Liberté la nuit). Une carrière brillante mais un peu trop discrète. Dans les années 70, elle publie plusieurs recueils de poésie dont Le Feu des Miroirs en 1975. Elle apparait aussi dans une bonne vingtaine de téléfilms et dans quelques séries télévisées. Elle fait des apparitions remarquées dans Trois couleurs : Bleu de Krzysztof Kieslowski, Vénus Beauté (Institut) de Tonie Marshall, C'est la vie de Jean-Pierre Améris et Le Skylab de Julie Delpy. La comédienne est de nouveau mise en lumière par Michael Hanecke dans Amour en 2011, où elle incarne une vieille dame qui perd peu à peu la tête, face à Jean-Louis Trintignant. Son interprétation lui vaut le César de la meilleure actrice, plusieurs prix internationaux et une nomination aux Oscars en février 2013. Pour son dernier film en 2016, comme un pied-de-nez à sa longue et prestigieuse carrière, Emmanuelle Riva donne la réplique à Pierre Richard dans la comédie Paris pieds nus, sous la direction de Dominique Abel et Fiona Gordon. Elle s'éteint discrètement le 27 janvier 2017, à l'âge de 89 ans, emportée par un cancer.
FILMOGRAPHIE :
Avec Michael Haneke
et Jean-Louis Trintignant
1958 : Les Grandes Familles de Denys de La Patellière
1959 : La Confession de Marcel Cravenne (tv)
1959 : Hiroshima mon amour d'Alain Resnais
1960 : Le Huitième Jour de Marcel Hanoun
1960 : Recours en grâce de László Benedek
1960 : Adua et ses compagnes (Adua e le compagne) d'Antonio Pietrangeli
1961 : Kapò de Gillo Pontecorvo
1961 : Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville
1962 : Climats de Stellio Lorenzi
1962 : Thérèse Desqueyroux de Georges Franju
1963 : Caterina de Gérard Herzog (tv)
1963 : Les Heures de l'amour (Le Ore dell'amore) de Luciano Salce
1964 : Le Gros Coup de Jean Valère
1964 : Le Coup de grâce de Jean Cayrol et Claude Durand
1965 : Meurtre à l'Italienne (Io uccido, tu uccidi) de Gianni Puccini
1965 : Thomas l'imposteur de Georges Franju
1966 : L'Or et le Plomb d'Alain Cuniot
1966 : La fin de la nuit d'Albert Riéra (tv)
1967 : Les Risques du métier d'André Cayatte
1967 : Fruits amers ou Soledad de Jacqueline Audry
1968 : La forêt noire de Marcel Cravenne (tv)
1969 : Je voudrais parler à monsieur Moratti d'Henri Polage (tv)
1969 : 5000 km vers la gloire (Eiko eno 5000 kiro) de Koreyoshi Kurahara
1970 : La Modification, de Michel Worms
1971 : L'Homme de désir, de Dominique Delouche
1972 : Les Portes de feu, de Claude Bernard-Aubert
1972 : Le Cygne d'Aldo Altit (tv)
1973 : J'irai comme un cheval fou de Fernando Arrabal
1974 : Ariane de Pierre-Jean de San Bartolomé
1975 : Au long de la rivière Fango de Sotha
1975 : La Dame de l'aube d'Aldo Altit (tv)
1975 : La Mort de l'Utopie de Jorge Amat
1975 : Léopold le bien-aimé de Georges Wilson (tv)
1975 : La mort du pantin de Yannick Andréi (tv)
1975 : Les jeunes filles de Lazare Iglesis (tv)
1976 : Le Diable au cour de Bernard Queysanne
1978 : Madame Ex de Michel Wyn (tv)
1981 : Les Jeux de la comtesse Dolingen de Gratz de Catherine Binet
1981 : Les Filles Héréditaires, sketch Dérapage de Marie-Christine Questerbert
1982 : Y a-t-il un Français dans la salle ? de Jean-Pierre Mocky
1982 : Les Yeux, la bouche de Marco Bellocchio
1982 : Le piano des songes de Michel Vuillermet (tv)
1982 : Ralentir école d'Alain Dhouailly (tv)
1983 : Liberté, la nuit de Philippe Garrel
1983 : Un homme à ma taille d'Annette Carducci
1984 : Un délit (Un delitto) de Salvatore Nocita (tv)
1985 : Résister ou les captives d'Aigues-Mortes de Bernard Kurt (tv)
1987 : Funny Boy de Christian Le Hemonet
1988 : Les Tribulations de Balthasar Kober de Wojciech Has
1989 : La Passion de Bernadette de Jean Delannoy
1990 : Grand Beau de Bernard Choquet (tv)
1991 : Pour Sacha d'Alexandre Arcady
1991 : Langer Samstag de Hanns Christian Müller
1992 : Loin du Brésil de Tilly
1993 : Trois Couleurs Bleu de Krzysztof Kieslowski
1993 : L'Ombre du doute d'Aline Issermann
1994 : Dieu, l'amant de ma mère et le fils du charcutier d'Aline Isserman
1994 : Éclats de famille de Didier Grousset (tv)
1994 : À quel moment est la nuit (A che punto è la notte) de Nanny Loy (tv)
1997 : XXL d'Ariel Zeitoun
1999 : Vénus beauté (institut) de Tonie Marshall
2001 : Médée de Don Kent (tv)
2001 : C'est la vie de Jean-Pierre Améris
2003 : Vert paradis d'Emmanuel Bourdieu
2004 : Éros thérapie de Danièle Dubroux
2005 : Vénus & Apollon de Tonie Marshall (tv)
2006 : Mon fils à moi de Martial Fougeron
2006 : Le vent, le vent de Frank Smith
2008 : Le Grand Alibi de Pascal Bonitzer
2008 : Un homme et son chien de Francis Huster
2009 : Je ne dis pas non d'Iliana Lolic
2011 : Le Skylab de Julie Delpy
2012 : Amour de Michael Haneke
2013 : Tu honoreras ta mère et ta mère de Brigitte Roüan
2016 : Marie et les naufragés de Sébastien Betbeder
2016 : Paris Pieds nus de Dominique Abel et Fiona Gordon
2021 : Alma (Alma) de Kristin Johannesdottir
Filmographie d'Emmanuelle RIVA