Margo LION
 Actrice et chanteuse française
Lèvres minces, long nez, visage de sphinx, Margo Lion fut l'égérie des nuits berlinoises au temps de la République de Weimar, amie et inspiratrice de Marlene Dietrich, chanteuse et comédienne. Elle connut un parcours atypique avant de devenir une actrice de complément recherchée qui tourna près de soixante films en un demi-siècle de présence à l'écran.
Marguerite Hélène Constantine Barbe Élisabeth Lion est née de parents français à Constantinople le 28 février 1899. La gamine longiligne rêve de devenir danseuse ou mannequin et suit les cours du Ballet Russe. Elle rencontre Marcellus Schiffer, poète, parolier et dessinateur, dont elle deviendra l'épouse en 1928. Il l'incite à se produire sur scène. Grande, la taille fine, elle paraît en longue dame brune, fourreau noir, gants noirs, yeux cerclés de noir, cultivant un look androgyne qui séduit le public berlinois et inspirera les maquilleurs et costumiers du fameux Cabaret de Bob Fosse. Margo Lion devient la coqueluche des nuits berlinoises et se lie d'amitié avec Marlene Dietrich, qui l'écoute chaque soir de la coulisse.
Les coqueluche des cabarets berlinois
Le cinéma ne s'est pas intéressé à Margo jusqu'à ce que Georg Wilhelm Pabst la choisisse pour jouer et chanter le rôle de Jenny, la prostituée délaissée par Mackie (Albert Préjean), dans la version française de L'opéra de quat'sous. Parfaitement bilingue, elle tourne alors une dizaine de films, signés Anatole Litvak, Kurt Gerron ou Robert Land. Ses premiers films français sont les versions doublées de productions germaniques, comme L'inconstante, Calais-Douvres, Stupéfiants et Les 13 malles de monsieur O. F avec Peter Lorre. L'aventure berlinoise se termine tragiquement par le suicide de son époux dépressif en 1932 et l'arrivée des nazis au pouvoir l'année suivante. Margo Lion s'engage dans une seconde carrière en France. Elle chante encore dans La voix sans visage et retrouve Pabst pour Du haut en bas avec Jean Gabin. Son retour en France lui apporte la consécration au cinéma. Julien Duvivier (La Bandera), Marcel Carné (Jenny) vont la choisir pour interpréter de beaux personnages de femmes déchues. Pierre Chenal, grand amateur de tempéraments singuliers, filme volontiers cette grande tige au nez fin et la distribue à trois reprises dans ses films. Dans L'affaire Lafarge, elle s'appelle Aména, la belle-sœur envieuse de Marcelle Chantal. L'alibi la montre sous un jour nettement plus sympathique en entraîneuse à l'humour ravageur, bonne copine de Jany Holt. Son meilleur rôle reste celui de Mademoiselle Caporale dans L'homme de nulle part, cette femme extravagante qui nourrit les pigeons de Rome, roucoule avec Le Vigan et anime les soirées de la pension Paleari lors de savoureuses séances de spiritisme.
Virage vers le comique et le sadisme
La veine comique présente dans ses films allemands trouve enfin à s'exprimer. Certains personnages s'avèrent plus sulfureux comme Dédée, la détenue de La danseuse rouge, Mademoiselle Sergent, la directrice de pension dans Claudine à l'école. Elle accompagne les débuts du fou chantant, Charles Trénet dans Je Chante et retrouve Pabst dans Jeunes filles en détresse pour une brève apparition en mère égoïste. Elle revient sur les planches avec Caligula d'Albert Camus. Elle marque de son tempérament sadique quelques œuvres d'après-guerre comme Le Furet, Une Nuit au Tabarin, Mam'zelle Nitouche et Le Dialogue des Carmélites. On peut la voir aussi bien chez Maurice Labro que chez Georges Franju pour qui elle campe une servante boiteuse et ronchondans La faute de l'abbé Mouret. Le fou du labo 4 où elle joue la mère acariâtre voisine dans sa filmographie avec les représentants de la Nouvelle Vague, Jacques Demy pour Lola, Jacques Doniol-Valcroze pour La bien-aimée ou Claude Chabrol dans La rupture. À la télévision, elle tourne La belle au bois dormant, Le survivant, Le secret de Mayerling, Le paysan parvenu ou Jacques le Fataliste. En 1963, Margo enregistre les chansons de Marcellus Schiffer et se produit robe noire et longue écharpe rouge au Renaissance-Theater de Berlin. Au cinéma, son dernier rôle sera celui de la mère d'Annie Girardot dans Docteur Françoise Gailland. À 80 ans bien sonnés, Margo Lion se retire alors discrètement. Quelques jours avant son 90e anniversaire, elle meurt le 25 février 1989 à Annecy-le-Vieux.


FILMOGRAPHIE :

Avec Maurice Chevalier
et Marlène Dietrich
1926 : Die Abenteuer eines Zehnmarkscheines de Berthold Viertel
1930 : L'Opéra de quat'sous de Georg Wilhelm Pabst
1931 : L'Inconstante (Ich geh'aus und du bleibst da) de Hans Behrendt
1931 : Les Treize Malles de monsieur O. F. (Die Koffer des Hern O. F) d'Alexis Granowsky
1931 : 24 Stunden aus dem Leben einer Frau de Robert Land
1931 : Die grosse attraktion de Max Reichmann
1931 : Calais-Douvres de Jean Boyer
1932 : Stupéfiants de Kurt Gerron
1932 : Das Lied einer Nacht d'Anatole Litvak
1933 : Du haut en bas de Georg Wilhelm Pabst
1933 : Qui m'embrasse (Und wer kusst mich ?) d'E. W. Emo
1933 : Hande aus dem dunkel d'Erich Waschneck
1933 : Incognito de Kurt Gerron
1933 : La Voix sans visage de Léo Mittler
1935 : La Bandera de Julien Duvivier
1935 : Les dieux s'amusent (Amphitryon) de Reinhold Schünzel
1936 : Jenny de Marcel Carné
1937 : L'Affaire Lafarge de Pierre Chenal
1937 : L'Alibi de Pierre Chenal
1937 : L'Homme de nulle part de Pierre Chenal
1937 : Claudine à l'école de Serge de Poligny
1937 : La Danseuse rouge de Jean-Paul Paulin
1938 : Je chante de Christian Stengel
1939 : Jeunes filles en détresse de Georg Wilhelm Pabst
1945 : Tant que je vivrai de Jacques de Baroncelli
1946 : Danse de mort de Marcel Cravenne
1946 : La Foire aux chimères de Pierre Chenal
1946 : Martin Roumagnac de Georges Lacombe
1947 : Le diable souffle d'Edmond T. Gréville
1947 : La Fleur de l'âge de Marcel Carné (inachevé)
1947 : Une nuit à Tabarin de Karel Lamac
1948 : La Femme que j'ai assassinée de Jacques Daniel-Norman
1949 : Femme sans passé de Gilles Grangier
1949 : Le Furet de Raymond Leboursier
1950 : Quai de Grenelle d'Emil-Edwin Reinert
1950 : Ballerina de Ludwig Berger
1950 : Les Amants de Bras-Mort de Marcello Pagliero
1950 : L'Aiguille rouge d'Emil-Edwin Reinert
1952 : Les amours finissent à l'aube d'Henri Calef
1952 : Nuit d'orage (Noche de tormenta) de Jaime de Mayora
1954 : Mam'zelle Nitouche d'Yves Allégret
1954 : Le Grand Jeu de Robert Siodmak
1955 : Je plaide non coupable d'Edmond T. Gréville
1956 : Le secret de Mayerling de Stellio Lorenzi (tv)
1956 : L'énigme du Temple de Stellio Lorenzi (tv)
1958 : Le fauve est lâché de Maurice Labro
1958 : Bajazet de Jean Kerchbron (tv)
1959 : Julie la rousse de Claude Boissol
1959 : Katia de Robert Siodmak
1959 : Notre petite ville de Marcel Bluwal (tv)
1959 : Les trois mousquetaires de Claude Barma (tv)
1960 : Le Dialogue des Carmélites de R.L. Bruckberger et Philippe Agostini
1960 : Liberty Bar de Jean-Marie Coldefy (tv)
1960 : Le paysan parvenu de René Lucot
1961 : Les deux Orphelines de Jean-Marie Coldefy (tv)
1961 : Vue sur la mer de Jean Vernier (tv)
1961 : Lola de Jacques Demy
1962 : Jusqu'à plus soif de Maurice Labro
1964 : Nick Carter va tout casser d'Henri Decoin
1964 : Coplan prend des risques de Maurice Labro
1965 : Le Mystère de la chambre jaune de Jean Kerchbron (tv)
1966 : Paris ist eine Reise wert de Paul Martin (tv)
1967 : Le Fou du labo 4 de Jacques Besnard
1970 : La Rupture de Claude Chabrol
1970 : La Faute de l'abbé Mouret de Georges Franju
1971 : Le Petit Matin de Jean-Gabriel Albicocco
1971 : L'Humeur vagabonde d'Édouard Luntz
1972 : La Ligne d'ombre de Georges Franju (tv)
1973 : Coup de sang de Jean-Paul Carrère
1973 : La Vie facile de Francis Warin
1974 : La Folie des Bêtes de Fernand Marzelle (tv)
1975 : Docteur Françoise Gailland de Jean-Louis Bertuccelli
1977 : Grandeur et décadence de César Birotteau de René Lucot et Jacques Rémy (tv)


Filmographie de Margo LION
 
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