Roger KARL
 Acteur et écrivain français
Avec son imposante stature, son visage expressif et sa voix posée et forte, Roger Karl, multiple et contradictoire, a traversé plus d'un demi-siècle du cinéma français en persuadant chacun qu'il ne croyait en rien, surtout pas en lui-même. Peintre, écrivain, comédien et musicien, il aurait pu avoir une aura plus importante si la routine n'avait gâché son talent dans des emplois insipides qu'il jouait avec dédain et détachement.
Roger Karl, de son vrai nom Roger Trouvé est né à Bourges, le 29 avril 1882. Passionné de littérature et de peinture, il s'installe à Paris où il fréquente les fauvistes et les expressionnistes, Guillaume Apollinaire ou Pablo Picasso. Violoniste dans un orchestre tzigane, il publie de nombreux écrits sous le titre de Journal d'un homme de nulle part, récits critiques sans indulgence qu'il publie sous le pseudonyme de Michel Balfort et qui font l'admiration de Paul Léautaud qui le cite souvent dans son Journal. Subjugué par Sarah Bernhardt, il choisit finalement le théâtre et suit l'enseignement de Louis Leloir au Conservatoire de Paris, puis passe par l'Odéon sous la direction d'André Antoine. Figurant, il sort avec deux seconds prix. Il fait partie de la troupe de Jacques Copeau, alors directeur du théâtre du Vieux Colombier et se produit dans des œuvres d'envergure comme La femme tuée par la douceur de Thomas Heywood, Les frères Karamazov de Dostoïevski, L'Homme à la rose de Bataille, L'amour médecin de Molière et Le Martyre de Saint Sébastien de Gabriele d'Annunzio. Parallèlement, il débute au cinéma dans Cyrano de Bergerac de Jean Durand et L'assassinat de l'amiral de Coligny de Maurice de Féraudy. Il épouse la comédienne Jeanne Rosny Derys qui meurt à 25 ans en 1920. Il crée Marie-Magdeleine de Maeterlinck avec sa nouvelle compagne Georgette Leblanc, sœur de l'écrivain Maurice Leblanc, père d'Arsène Lupin.
Des œuvres muettes littéraires ou d'avant-garde
C'est après la première guerre mondiale que Roger Karl se signale régulièrement au cinéma grâce à Léon Poirier avec qui il tourne Le Coffret de jade, L'affaire du courrier de Lyon et Jocelyn d'après Lamartine avec une sobriété exemplaire. Il participe à quelques œuvres d'avant-garde sous la houlette de Marcel L'Herbier dans L'homme du Large, Le Vertige ou L'Argent, de Louis Delluc dans La Femme de nulle part, de Jean Epstein dans La Goutte de sang ou de Jean Grémillon dans Maldone. Doté d'un physique noble et massif et d'un beau collier de barbe, le regard noir et le visage minéral, Roger Karl a du coffre et une solide prestance qui lui permettent de franchir sans obstacle la barrière du parlant. Toutefois, ses goûts littéraires et la tournure de son esprit lui font mal accepter les contraintes du cinéma sonore et se voit confier des rôles peu sympathiques, ténébreux et haïssables.
L'homme que l'on aime haïr
Commissaire de police dans L'étoile de Valencia, comte dans Le prince Jean, officier russe dans Les nuits moscovites, grand-duc dans Les mystères de Paris, dignitaire russe dans Au service du tsar, prince Ramigani dans Le tigre du Bengale et général russe dans Le joueur, il tourne fréquemment dans des productions franco-allemande (Barcarolle de Gerhard Lamprecht, Le Diable en bouteille). Julien Duvivier lui confie un rôle de chancelier dans Le Golem face à Harry Baur et Abel Gance fait de lui le pape Alexandre VI dans Lucrèce Borgia. Des compositions puissantes et racées pour des films intéressants où l'acteur semble se contenter de rôles secondaires. Très à son aise dans le film historique, il endosse régulièrement des costumes d'officiers allemands ou russes.
Un surprenant retour à près de 90 ans
Roger Karl qui n'a toujours porté que peu d'intérêt au cinéma, détestant ses contraintes et l'atmosphère des plateaux de tournage reste fidèle à ses rôles de militaires et d'aristocrates, il joue un colonel allemand dans Après Mein Kampf, mes crimes, surprenant film anti-nazi d'Alexandre Ryder de 1940 et continue à tourner des rôles en costumes pendant la guerre comme le marquis d'Un seul amour de Pierre Blanchar, un major-colonel dans Boule-de-Suif auprès de Louis Salou. Après la Seconde Guerre Mondiale, Roger Karl se consacre presque exclusivement au théâtre n'acceptant que de rares participations au cinéma. Il se produit au Festival d'Avignon naissant dans Henry IV de Shakespeare et Le Cid de Corneille. On lui doit aussi une autobiographie Avec moi-même et un recueil de poèmes. Roger Karl se réclame avant tout du théâtre et des grands auteurs, dont il fut un excellent serviteur. Il surprend avec un retour tardif à la télévision où il a conservé sa silhouette et son visage grave dans Le sixième sens où il joue un professeur de violon et au cinéma où il côtoie brièvement Charles Aznavour et Robert Hossein dans La Part des Lions. D'une extraordinaire longévité, il décède à l'âge de 102 ans, le 4 mai 1984 à Paris.


FILMOGRAPHIE :

Avec Line Noro
1909 : Mireille d'Henri Cain (cm)
1909 : Cyrano de Bergerac de Jean Durand (cm)
1910 : L'assassinat de l'amiral de Coligny de Maurice de Féraudy (cm)
1912 : Le mystère de Notre-Dame-de-Paris de Victorin Jasset (cm)
1917 : Fantasmes de Marcel L'Herbier (cm)
1918 : Le siège des trois K. de Jacques de Baroncelli (cm)
1920 : L'homme du large de Marcel L'Herbier
1921 : L'ombre déchirée de Léon Poirier
1921 : La femme de nulle part de Louis Delluc
1921 : Le coffret de jade de Léon Poirier
1922 : Jocelyn de Léon Poirier
1923 : L'affaire du courrier de Lyon de Léon Poirier
1924 : La goutte de sang de Jean Epstein & Maurice Mariaud
1925 : L'espionne aux yeux noirs d'Henri Desfontaines
1925 : Le cavalier de Dona Pia de Henry Krauss
1926 : Le vertige de Marcel L'Herbier
1926 : Le diable au cour de Marcel L'Herbier
1927 : Maldone de Jean Grémillon
1928 : Le désir d'Albert Durec
1928 : Cagliostro (Graf Cagliostro) de Richard Oswald
1929 : L'argent de Marcel L'Herbier
1931 : Fantômas de Paul Féjos
1932 : Stupéfiants de Kurt Gerron & Roger Le Bon
1932 : Coup de feu à l'aube de Serge de Poligny
1933 : L'étoile de Valencia de Serge de Poligny
1933 : Un certain monsieur Grant de Gerhard Lamprecht & Roger Le Bon
1933 : Idylle au Caire de Claude Heymann & Reinhold Schünzel
1933 : La bataille de Viktor Tourjansky & Nicolas Farkas
1933 : La bataille (The battle) de Nicolas Farkas
1934 : Les nuits moscovites de Alexis Granowsky
1934 : Le diable en bouteille de Heinz Hilpert & Raoul Ploquin
1934 : Le prince Jean de Jean de Marguenat
1934 : L'or de Karl Hartl & Serge de Poligny
1934 : Le miroir aux alouettes de Hans Steinhoff & Roger Le Bon
1935 : Quand minuit sonnera de Léo Joannon
1935 : Lucrèce Borgia d'Abel Gance
1935 : Barcarolle de Gerhardt Lamprecht & Roger Le Bon
1935 : Les mystères de Paris de Félix Gandéra
1935 : Un homme de trop à bord de Gerhard Lamprecht & Roger Le Bon
1935 : Le Golem de Julien Duvivier
1935 : La gondole aux chimères d'Augusto Genina
1936 : Sous les yeux d'Occident / Razumov de Marc Allégret
1936 : Au service du tsar de Pierre Billon
1936 : La bête aux sept manteaux de Jean de Limur
1936 : Mademoiselle Docteur / Salonique nid d'espions de Georg Wilhelm Pabst
1936 : L'homme à abattre de Léon Mathot
1937 : À Venise, une nuit de Christian-Jaque
1937 : Le tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur) de Richard Eichberg
1937 : Le tombeau hindou (Der indische Glabmal) de Richard Eichberg
1938 : Tarakanova (La principessa Tarakanova) de Fédor Ozep & Mario Soldati
1938 : Le joueur de Gerhard Lamprecht & Louis Daquin
1938 : Fort Dolores de René Le Hénaff
1938 : La belle revanche de Paul Mesnier
1939 : Cas de conscience de Walter Kapps
1940 : Après Mein Kampf, mes crimes d'Alexandre Ryder
1941 : Le valet maître de Paul Mesnier
1942 : Le camion blanc de Léo Joannon
1942 : Le voyageur de la Toussaint de Louis Daquin
1943 : Un seul amour de Pierre Blanchar
1943 : Mahlia la métisse de Walter Kapps
1944 : La vie de plaisir d'Albert Valentin
1945 : Boule de suif de Christian-Jaque
1945 : Mission spéciale de Maurice de Canonge
1946 : L'ennemi sans visage de Maurice Cammage & Robert-Paul Dagan
1946 : Rumeurs de Jacques Daroy
1952 : Tourbillon de Alfred Rode
1957 : Le cas du docteur Laurent de Jean-Paul Le Chanois
1962 : La poupée de Jacques Baratier
1964 : L'amour à la chaîne de Claude de Givray
1970 : Le sixième sens de Louis Grospierre (tv)
1971 : La part des lions de Jean Larriaga
1973 : Fin de saison de Roger Boussinot (tv)


Filmographie de Roger KARL
 
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