Charles DENNER
 Acteur français
Bien qu'il soit assez peu connu et surtout de la nouvelle génération, beaucoup s'accordent à dire que Charles Denner fut incontestablement un monument du cinéma français. Le plus surprenant c'est qu'il ne fait pas partie de ces acteurs qui ont joué dans toute une panoplie de films en enchaînant les rôles. Quelques films ont suffi au regretté acteur pour asseoir son génie sur le grand écran.
Charles Denner voit le jour à Tarnow en Pologne, le 25 mai 1926. Issu d'une famille juive polonaise, il arrive à Paris à l'âge de quatre ans. Il a une sœur aînée Élise et deux frères Alfred et Jacques. Pendant la seconde guerre mondiale, le jeune Denner s'est éveillé à une conscience politique. Militant, il rejoint les rangs de la gauche pendant la Résistance et combat dans le Vercors. En 1945, il apprend l'art dramatique chez Charles Dullin tout en gagnant sa vie comme tailleur ou maroquinier. En 1948, remarqué par Jean Vilar alors qu'il interprète au théâtre un rôle de clown dans Les mamelles de Tirésias d'après Apollinaire, il intègre la troupe du Théâtre National Populaire. Il s'illustre dans Le Cid et Lorenzaccio au côté de Gérard Philipe et accompagne le grand acteur sur le tournage de La meilleure part d'Yves Allégret en 1955. Marié à Simone Jaquier, dite Monette, il a deux enfants, Charlet et Ethel. Un an plus tard, il est au casting des Hommes en blanc. Continuant sur sa lancée, il donne la réplique à Maurice Ronet et Lino Ventura dans Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle.
Landru pour Chabrol
Si jusque-là, il n'avait interprété que des rôles mineurs, il est remarqué par Claude Chabrol qui décèle son immense potentiel en le voyant incarner Göring dans La résistible Ascension d'Arturo Ui de Brecht. Il lui confie le rôle-titre de Landru en 1962. Affublé depuis l'âge de vingt-cinq ans de rôles de vieillards avec faux nez et perruque, il accepte sans hésiter de se raser le milieu du crâne pour mieux incarner la bonhommie et la terreur d'un personnage digne du Monsieur Verdoux de Charlie Chaplin. Le succès de Charles Denner lui vaut alors d'être sollicité pour de nouveaux rôles de sadiques barbus. Mais l'acteur refuse la facilité. C'est donc dans La vie à l'envers d'Alain Jessua, qu'on le retrouve en 1963, traduisant à merveille le lent glissement d'un solitaire vers l'internement à vie.
Un artisan de l'émotion
À la fois banal et émouvant, Denner accroche l'attention, y compris dans des rôles de second plan comme Compartiments tueurs et Z de Costa-Gavras, Le Voleur de Louis Malle ou Le Voyou de Lelouch. À la télévision, il joue Les Rustres de Jean Pignol, L'Idiot d'André Barsacq, La Sourde Oreille de Michel Polac, ou Espionne et tais-toi de Claude Boissol. Dévoué à la cause de ses personnages, Denner est un artisan de l'émotion humaine. Tantôt maître chanteur (Mado), tantôt père déchirant (Le vieil Homme et l'enfant), tantôt dératiseur puceau jusqu'à sa rencontre de Bernadette Lafont dans Une belle fille comme moi, il fait plus que jouer, il sert. Aidé en cela par le charme d'une voix singulière dans laquelle, sous une rudesse apparente, vibrent les nuances les plus subtiles du désir, de l'espoir ou de la déception. Mais les personnages que Denner affectionnent sont ceux que dévore une obsession obscure. Bien qu'il excelle également dans le registre du pur comique comme Robert et Robert ou L'Aventure c'est l'aventure de Claude Lelouch, il préfère l'ambiguïté. François Truffaut qui l'avait fait tourner dans La Mariée était en noir lui confie le rôle de Bertrand Morane, L'homme qui aimait les femmes, un homme tout simplement, au silencieux mal-être, poétique et tendre. Dans son univers où les jambes des femmes sont «des compas qui arpentent le globe et lui donnent son équilibre et sa forme», Denner touche au point de l'égarement à la fois douloureux et souriant. C'est selon Truffaut, «le comédien poétique par excellence». On le retrouve dans plusieurs films de Lelouch (Si c'était à refaire) ou aux côtés de Belmondo (L'Héritier, Peur sur la Ville) et des rôles de magistrat dans Les Assassins de l'Ordre ou L'honneur d'un capitaine. Après une dernière apparition dans Golden Eighties de Chantal Akerman, Charles Denner, malade, se retire.
De longue maladie
Ce n'est pas de gaité de cour que l'acteur a freiné sa carrière avant d'y mettre un terme. Depuis 1984, aux côtés de Monique Voirriot, dite Maryse, il doit lutter contre un cancer. Sa maladie est très éprouvante puisqu'il doit lutter contre elle durant 11 longues années avant de finalement succomber le 10 septembre 1995 à l'hôpital de Dreux. Décédé à 69 ans, l'acteur a eu le temps de laisser une immense empreinte dans le milieu du cinéma. Beaucoup considèrent même Charles Denner comme un patrimoine du cinéma français. La preuve en est avec la réaction de Claude Chabrol à l'annonce de sa mort : «Denner était à des encâblures de toute mondanité, un vrai pudique, un grand modeste, un type bien, tout simplement.»


FILMOGRAPHIE :

Avec Henri Verneuil
et Jean-Paul Belmondo
1954 : Poisson d'avril de Gilles Grangier (figuration)
1955 : La Meilleure Part d'Yves Allégret
1956 : Les Hommes en blanc de Ralph Habib
1956 : Faites-moi confiance de René Lucot (tv)
1957 : Les Enfants de la nuit de Jean Prat (tv)
1957 : Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle
1958 : L'Alcade de Zalamea de Marcel Bluwal (tv)
1960 : Les Joueurs de Marcel Bluwal (tv)
1961 : Gaspard ou le petit tambour de la neige de Jean-Pierre Marchand (tv)
1961 : Les Perses de Jean Prat (tv)
1961 : Loin de Rueil de Claude Barma (tv)
1962 : Landru de Claude Chabrol
1964 : Mata Hari, agent H21 de Jean-Louis Richard
1964 : L'Aube des damnés d'Ahmed Rachedi
1964 : La Vie à l'envers d'Alain Jessua
1964 : Les Pieds nickelés de Jean-Claude Chambon
1964 : Les Plus Belles Escroqueries du monde, « Le Grand escroc » de Jean-Luc Godard
1965 : Marie-Chantal contre docteur Kha de Claude Chabrol
1965 : Compartiment tueurs de Costa-Gavras
1966 : Le Vieil Homme et l'Enfant de Claude Berri
1966 : YUL 871 de Jacques Godbout
1966 : Le Voleur de Louis Malle
1968 : L'Idiot d'André Barsacq (tv)
1968 : La Trêve de Claude Guillemot
1968 : Z de Costa-Gavras
1968 : La mariée était en noir de François Truffaut
1969 : Le Corps de Diane de Jean-Louis Richard
1970 : Le Voyou de Claude Lelouch
1971 : Les Mariés de l'an II de Jean-Paul Rappeneau
1971 : Les Assassins de l'ordre de Marcel Carné
1972 : L'aventure c'est l'aventure de Claude Lelouch
1972 : Une belle fille comme moi de François Truffaut
1973 : Les Gaspards de Pierre Tchernia
1973 : Un officier de police sans importance de Jean Larriaga
1973 : L'Héritier de Philippe Labro
1973 : Défense de savoir de Nadine Trintignant
1974 : Toute une vie de Claude Lelouch
1975 : Vous ne l'emporterez pas au paradis de François Dupont-Midy
1975 : Peur sur la ville d'Henri Verneuil
1976 : La Première Fois de Claude Berri
1976 : Mado de Claude Sautet
1976 : Si c'était à refaire de Claude Lelouch
1977 : L'Homme qui aimait les femmes de François Truffaut
1978 : Kakemono Hôtel de Franck Apprederis (tv)
1978 : L'Affaire Savolta d'Antonio Drove
1978 : Robert et Robert de Claude Lelouch
1980 : Le Cour à l'envers de Franck Apprederis
1980 : La Sourde Oreille de Michel Polac (tv)
1981 : Non-lieu de Bruno Gantillon (tv)
1982 : L'Honneur d'un capitaine de Pierre Schoendoerffer
1982 : Mille milliards de dollars d'Henri Verneuil
1983 : Stella de Laurent Heynemann
1983 : Le Château faible de Jean Larriaga (tv)
1983 : Les Années 80 de Chantal Akerman
1983 : Rock'n Torah ou Le préféré de Marc-André Grynbaum
1984 : Zacharius de Claude Grinberg (tv)
1986 : Espionne et tais-toi de Claude Boissol (tv)
1986 : L'Unique de Jérôme Diamant-Berger
1986 : Golden Eighties de Chantal Akerman


Filmographie de Charles DENNER
 
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