Alain CUNY
 Acteur français
Il était difficile de parier qu'Alain Cuny, acteur austère à la voix blanche recueillerait en fin de carrière les confidences érotiques d'Emmanuelle, alias Sylvia Kristel. C'est tout le paradoxe de ce grand homme de théâtre qui a tourné mine de rien dans quelques-uns des plus grands chefs-d'œuvre du cinéma européen.
Alain Cuny voit le jour le 12 juillet 1908 à Saint-Malo, d'une mère semble-t-il célibataire et psychologiquement fragile. D'abord attiré par la peinture, il se forme à Paris et côtoie les surréalistes. Il découvre plus tard le métier de comédien en accompagnant une amie à un cours dispensé par Charles Dullin. Il joue notamment, en 1943, la première pièce écrite par Jean Giono, Le bout de la route. Alain Cuny entre dans le monde du cinéma en réalisant des affiches et des décors pour Cavalcanti, Feyder et Renoir. Il fait sa première apparition devant les caméras en 1939, comme matelot, dans Remorques de Jean Grémillon, d'après Roger Vercel.
Le troubadour des Visiteurs du Soir
Pendant l'occupation, le regard sombre et le physique athlétique, le jeune acteur campe Roustan, le mameluck de Napoléon dans Madame Sans-Gêne mis en scène par Roger Richebé, avec Arletty dans le rôle-titre. Mais c'est son interprétation du ménestrel amoureux de Marie Déa dans Les visiteurs du soir de Marcel Carné qui lui permet de devenir une vedette recherchée. Décriée comme une œuvre extravagante et mal jouée à sa sortie, Les Visiteurs du Soir est depuis considéré comme un des chefs-d'œuvre du cinéma français. Acteur claudélien par excellence, il fait de son jeu très dramatique et de sa diction extrêment rrechée un atout pour le théâtre contemporain. Après la Seconde Guerre mondiale, il devient l'un des principaux interprètes du Théâtre National Populaire et du Festival d'Avignon.
Valeur sûre du cinéma transalpin
À partir des années cinquante, Alain Cuny commence une carrière italienne qui comprendra une vingtaine de films, près de la moitié de sa filmographie. C'est d'abord Le Christ interdit, seule réalisation du grand écrivain Curzio Malaparte, sur fonds de seconde guerre mondiale et de vengeance avec Raf Vallone. Il est dirigé par les plus grands réalisateurs de la Péninsule comme Antonioni (La dame sans camélias), Goffredo Alessandrini (Les chemises rouges avec Magnani), Fellini (Steiner, l'intellectuel communiste de La dolce vita), Marco Ferreri (L'Audience) Francesco Rosi. Mais il est aussi en France Frollo dans Notre Dame de Paris de Jean Delannoy, auprès de Gina Lollobrigida et Anthony Quinn. La même année, il prête sa voix au premier cours métrage de Robert Enrico. Alain Cuny devient le mari soupçonneux de Jeanne Moreau dans Les Amants de Louis Malle, objet de scandale. Dans les années soixante, il tourne des films aux sujets souvent difficiles convenant à son caractère tourmenté comme La croix des vivants d'Yvan Govar dans le climat haineux d'un village flamand, Scano Boa de Renato Dall'Ara dans des paysages du delta du Pô, Astataïon ou Le festin des morts du Québécois Fernand Dansereau, sur les relations entre les Jésuites et les Hurons dans la Nouvelle-France, ainsi que La voie lactée de Luis Buñuel, le Satyricon de Federico Fellini d'après Pétrone.
Entre l'extravagant et l'austère
La décennie suivante, il passe du parodique Touche pas à la femme blanche de Marco Ferreri, au manifeste érotique Emmanuelle de Just Jaeckin, du thriller politique Cadavres exquis face à Lino Ventura, à l'adaptation théâtrale Le Maître et Marguerite d'Aleksandar Petrovic, ainsi que plusieurs coproductions internationales aux sujets politiques, Le recours de la méthode du Chilien Miguel Littin, et Le Christ s'est arrêté à Eboli de Francesco Rosi, d'après Carlo Levi. À partir des années quatre-vingts, Alain Cuny interprète quelques rôles plus secondaires en France et en Italie pour le petit et le grand écran, mais il se consacre surtout, alors qu'il a dépassé les quatre-vingts ans, à la réalisation de l'œuvre de sa vie en 1991, L'annonce faite à Marie d'après la pièce de Paul Claudel, son auteur de prédilection. Ce grand comédien français, au caractère entier et à l'exigence d'esthète, s'éteint à Paris, trois ans plus tard, le 16 mai 1994. On peut aujourd'hui trouver son jeu emphatique et théâtral mais il convient de saluer l'inspiration et le perfectionnisme qu'il apporte à son métier, qui en fait un comédien résolument hors du commun.


FILMOGRAPHIE :

Avec Michelangelo
Antonioni
1939 : Remorques de Jean Grémillon
1940 : Après Mein Kampf, mes crimes de Alexandre Ryder
1941 : Madame Sans-Gêne de Roger Richebé
1942 : Les visiteurs du soir de Marcel Carné
1942 : Le baron fantôme de Serge de Poligny
1945 : Solita de Cordoue de Willy Rozier
1950 : Les conquérants solitaires de Claude Vermorel
1950 : Le Christ interdit (Il Cristo proibito) de Curzio Malaparte
1951 : La dame sans camélia (La Signora senza camelie) de Michelangelo Antonioni
1951 : Le rideau cramoisi de Alexandre Astruc
1952 : Les chemises rouges (Camicie rosse) de Goffredo Alessandrini
1952 : Les crimes de l'amour, partie Mina de Vanghel de Maurice Barry & Maurice Clavel
1956 : Notre Dame de Paris de Jean Delannoy
1958 : Les amants de Louis Malle
1959 : La douceur de vivre (La dolce vita) de Federico Fellini
1961 : Scano Boa de Renato Dall'Ara
1961 : La croix des vivants de Ivan Govar
1963 : Peau de banane de Marcel Ophüls
1963 : La Corruption (La Corruzione) de Mauro Bolognini
1964 : Astataïon ou Le festin des morts de Fernand Dansereau
1968 : La voie lactée de Luis Buñuel
1969 : Satyricon (Fellini Satyricon) de Federico Fellini
1970 : Les hommes contre. (Uomini contro) de Francesco Rosi
1970 : La grande scrofa nera de Filippo Ottoni
1971 : Valparaiso, Valparaiso de Pascal Aubier
1971 : L'audience / Papal audience (L'Audienza) de Marco Ferreri
1972 : Le maître et Marguerite (Il Maestro e Margherita) d'Aleksandar Petrovick
1973 : La rose rouge (la rosa rossa) de Franco Giraldi
1973 : Touche pas à la femme blanche de Marco Ferreri
1973 : Emmanuelle de Just Jaeckin
1974 : Deux dans la pluie d'Amsterdam (Ame no Amsterdam) de Koreyoshi Kurahara
1975 : Irène, Irène (Irene, Irene) de Peter Del Monte
1975 : Cadavres exquis (Cadaveri eccellenti) de Francesco Rosi
1976 : I prosseneti de Brunello Rondi
1978 : Le recours de la méthode (Viva el presidente!) de Miguel Littin
1978 : La chanson de Roland de Frank Cassenti
1978 : Le Christ s'est arrêté à Eboli (Cristo si è fermato a Eboli) de Francesco Rosi
1979 : Semmelweis de Gianfranco Bettetini
1980 : Les jeux de la comtesse Dolingen de Gratz de Catherine Binet
1982 : Le quatuor Basileus (Il quartetto Basileus) de Fabio Carpi
1983 : I due prigionieri de Anton Giulio Majano
1984 : Détective de Jean-Luc Godard
1985 : Terre étrangère (das weite land) de Luc Bondy
1986 : Lucky Ravi / Ravi de Vincent Lombard
1986 : Chronique d'une mort annoncée (Cronaca di una morte annunciata) de Francesco Rosi
1987 : Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat
1988 : See you (Umi e, see you) de Koreyoshi Kurahara
1988 : Camille Claudel de Bruno Nuytten
1988 : La nuit de l'éclusier de Franz Rickenbach
1989 : Les chevaliers de la table ronde de Denis Lorca
1990 : Le retour de Casanova de Edouard Niermans
1990 : L'annonce faite à Marie d'Alain Cuny
1992 : L'oillet sauvage (uova di garofano) de Silvano Agosti

Pour la télévision :
1979 : Beau Sang de Maurice Cazeneuve
1968 : La Forêt noire de Marcel Cravenne
1973 : Les grandes heures de notre vie de Claude Santelli
1973 : La divine comédie de Michel Tréguier
1974 : Antigone de Stellio Lorenzi
1979 : Le Journal de Philippe Lefebvre
1980 : La Peau de chagrin de Michel Favart
1982 : Colomba de Giacomo Battiato
1982 : Deuil en vingt-quatre heures de Frank Cassenti
1982 : Phèdre de Jean Kerchbron
1983 : Le Corsaire (Il Corsario) de Franco Giraldi
1987 : La Mafia 3 (La Piovra 3) de Giacomo Battiato et Damiano Damiani
1988 : La coscienza di Zeno de Sandro Bolchi


Filmographie d'Alain CUNY
 
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