Fils d’Édouard Salomon Crémieux, un artiste peintre et Adrienne Sarah Padova dite Édith, un couple de juifs marseillais, Henri Crémieux voit le jour à Vieille Chapelle, un quartier de Marseille le 19 juillet 1896. Il a deux frères Albert né l’année précédente et Gustave Saul décédé à l’âge de 22 ans. Lorsque survient la Grande Guerre, son frère Albert est mobilisé, et Henri assiste les blessés dans les hôpitaux. Il rejoint les comédiens de la Comédie Française pour distraire les gueules cassées. Encouragé par Eugène Sylvain, il monte à Paris et acquiert une solide formation théâtrale en devenant l’élève de Paul Mounet et en se produisant à l’Odéon, au théâtre Antoine et dans des spectacles de Grand Guignol. Le rond-de-cuir austère
Il apparaît pour la première fois à l’écran pour une figuration dans Prix de beauté d’Augusto Genina. Il est remarqué dans un rôle d’avocat d’André Luguet dans Les Amants terribles de Marc Allégret. Il enchaîne les seconds rôles de ronds-de-cuir, petits, secs, portant lunettes. Il est secrétaire dans Courrier Sud, régisseur de music-hall dans L’Homme du jour, rédacteur en chef du journal dont Fernandel est l’héritier dans Hercule, le radio à bord du Nord-Atlantique, le patron de cabaret dans Pièges. Sacha Guitry l’engage par deux fois comme commissaire-priseur dans Les perles de la couronne et son confident dans Ils étaient neuf célibataires. La Seconde Guerre mondiale va apporter pour lui le pire des drames. Ses parents et Albert sont arrêtés par la gestapo et déportés à Auschwitz. Seul Albert en reviendra pour devenir un éminent psychiatre. Henri Crémieux n’apparaît que dans deux films de 1941, propriétaire d’immeuble dans Sixième étage et administrateur dans Remorques mais se voit interdit de travail en raison des lois raciales en vigueur.
Dans l'ombre de Fernandel et Gabin
Après la Guerre, Henri Crémieux accentue son aspect austère de bureaucrate colérique et de notable ambigue. Il se glisse aussi bien dans la peau de redresseurs de tort que de scélérats. On le retrouve plusieurs fois aux côtés de Fernandel dans Honoré de Marseille, La loi c’est la loi ou L’assassin est dans l’annuaire et devient à sept reprises un partenaire très présent de Jean Gabin, notamment dans Miroir, Le Plaisir, Gas-oil, Le sang à la tête ou Le Président. Julien Duvivier en fait un pittoresque co-scénariste de La Fête à Henriette amateur d’histoires à sensation en opposition à Louis Seigner plus porté par la romance. Il est employé par Jean Cocteau dans Orphée et Le Testament d’Orphée. On le retrouve aussi bien chez Lautner (Le septième juré), André Cayatte (La vie conjugale, Le glaive et la balance), que Jacques Demy en sombre Subtil Dutrouz dans Les Demoiselles de Rochefort et en médecin dans Peau d’âne. Au théâtre, il est l’interprète de Marcel Aymé (La tête des autres), Arthur Miller (Les Sorcières de Salem) ou Félicien Marceau (La bonne soupe).
Malicieux et pittoresque à la télévision
À partir des années soixante, il est très présent au petit écran, où il joue de son air naturel et mystérieux dans plusieurs épisodes des Cinq dernières minutes ou La Caméra explore le temps, bourgeois parrain de Geneviève Fontanel dans Vidocq, Rinal dans Maurin des Maures d’après Jean Aicard et animateur de l’émission Un mystère par jour où il fait preuve de malice dans la peau du professeur Henri Morgan. Il est bien sûr une des figures récurrentes du programme d'Au théâtre ce soir (La locomotive d'André Roussin, Dix petits nègres, Le gendre de monsieur Poirier, Laurette ou l'amour voleur). Homme très pudique, extrêmement intelligent et cultivé, Henri Crémieux est toujours resté très discret sur le couple qu’il forme depuis 1927 avec Germaine Vallet (1903-2000) mais laisse un édifiant recueil de mémoires et de réflexions sur son métier d’acteur dans Je est un autre, itinéraire d’un histrion. Il passe sa retraite à lire et à peindre avec son ami Henri Guisol. Henri Crémieux s’éteint le 10 mai 1980 d’une crise cardiaque pendant une conférence sur Frédéric Mistral à Aubagne. Son acte de décès est officialisé à Cassis. Ne croyant qu’en un Dieu s’il est amour, généreux, il avait choisi de donner son corps à la science.
FILMOGRAPHIE :
Avec Fernand Ledoux
1931 : On opère sans douleur de Jean Tarride (cm)
1932 : Photos d’Abel Jacquin (cm)
1933 : Âme de clown de Marc Didier & Yvan Noé
1934 : La cinquième empreinte de Karl Anton
1936 : La flamme d’André Berthomieu
1936 : Les amants terribles de Marc Allégret
1936 : Courrier sud de Pierre Billon
1936 : L’homme du jour de Julien Duvivier
1936 : Nuits de feu de Marcel L’Herbier
1936 : Transigeons d’Hubert de Rouvres (cm)
1937 : Hercule d’Alexander Esway
1937 : Les perles de la couronne de Sacha Guitry & Christian-Jaque
1937 : Un déjeuner de soleil de Marcel Cravenne
1937 : À Venise, une nuit de Christian-Jaque
1938 : Nord-Atlantique de Maurice Cloche
1938 : Gibraltar de Fédor Ozep
1938 : Pièges de Robert Siodmak
1939 : Ils étaient neuf célibataires de Sacha Guitry
1939 : Narcisse d’Ayres d’Aguiar
1939 : Sixième étage de Maurice Cloche
1940 : Remorques de Jean Grémillon
1945 : L’extravagante mission d’Henri Calef
1945 : La tentation de Barbizon de Jean Stelli
1945 : François Villon d’André Zwoboda
1945 : Jeux de femmes de Maurice Cloche
1945 : Au petit bonheur de Marcel L’Herbier
1946 : Miroir de Raymond Lamy
1946 : Amour, délices et orgues d’André Berthomieu
1946 : Les requins de Gibraltar d’Emil Edwin Reinert
1947 : Croisière pour l’inconnu de Pierre Montazel
1947 : Le capitaine Blomet d’Andrée Feix
1947 : Le bal des pompiers d’André Berthomieu
1947 : Bal Cupidon de Marc-Gilbert Sauvajon
1948 : Tous les deux de Louis Cuny
1948 : Les casse-pieds de Jean Dréville
1948 : Le droit de l’enfant de Jacques Daroy
1948 : L’homme qui revient de loin de Jean Castanier
1949 : La petite chocolatière d’André Berthomieu
1949 : Au P’tit Zouave de Gilles Grangier
1949 : Lady Paname d’Henri Jeanson
1949 : Orphée de Jean Cocteau
1950 : Trois télégrammes d’Henri Decoin
1950 : L’homme de joie de Gilles Grangier
1950 : Méfiez-vous des blondes d’André Hunebelle
1951 : Le passe muraille de Jean Boyer
1951 : La plus belle fille du monde de Christian Stengel
1951 : Deux sous de violettes de Jean Anouilh
1951 : Le plaisir, « La maison Tellier » de Max Ophüls
1952 : Ouvert contre X de Richard Pottier
1952 : La dame aux camélias de Raymond Bernard
1952 : La fête à Henriette de Julien Duvivier
1952 : Nous sommes tous des assassins d’André Cayatte
1953 : L’étrange désir de monsieur Bard de Géza von Radványi
1953 : Quai des blondes de Paul Cadéac
1953 : Interdit de séjour de Maurice de Canonge
1954 : Cadet-Rousselle d’André Hunebelle
1954 : Les lettres de mon moulin de Marcel Pagnol
1954 : Le fil à la patte de Guy Lefranc
1955 : La bande à papa de Guy Lefranc
1955 : Gas-oil de Gilles Grangier
1955 : Le dossier noir d’André Cayatte
1956 : Le sang à la tête de Gilles Grangier
1956 : Les suspects de Jean Dréville
1956 : Honoré de Marseille de Maurice Regamey
1957 : Le gorille vous salue bien de Bernard Borderie
1957 : Donnez-moi ma chance de Léonide Moguy
1957 : Le chômeur de Clochemerle de Jean Boyer
1957 : Le naïf aux quarante enfants de Philippe Agostini
1958 : La moucharde de Guy Lefranc
1958 : Toi le venin de Robert Hossein
1958 : La loi c’est la loi (La legge è legge) de Christian-Jaque
1959 : La corde raide de Jean-Charles Dudrumet
1959 : 125 rue Montmartre de Gilles Grangier
1959 : Le testament d’Orphée de Jean Cocteau
1960 : Le président d’Henri Verneuil
1961 : L’assassin est dans l’annuaire de Léo Joannon
1961 : Le septième juré de Georges Lautner
1962 : Cyrano et d’Artagnan d’Abel Gance
1962 : Mathias Sandorf de Georges Lampin
1963 : Le glaive et la balance d’André Cayatte
1963 : La vie conjugale : Françoise d’André Cayatte
1963 : La vie conjugale : Jean-Marc d’André Cayatte
1964 : Monsieur de Jean-Paul Le Chanois
1966 : Carré de dames pour un as de Jacques Poitrenaud
1967 : Les demoiselles de Rochefort de Jacques Demy
1969 : Le temps des loups de Sergio Gobbi
1969 : Les caprices de Marie de Philippe de Broca
1970 : Ils de Jean-Daniel Simon
1970 : Peau d’Âne de Jacques Demy
1971 : Un beau monstre de Sergio Gobbi
1973 : Na ! de Jacques Martin
1976 : Le pays bleu de Jean-Charles Tacchella
1977 : La barricade du point du jour de René Richon
1978 : Confidences pour confidences de Pascal Thomas
1978 : Au bout du bout du banc de Peter Kassovitz
1979 : Rien ne va plus de Jean-Michel Ribes
Télévision :
1956 : Eugénie Grandet de Maurice Cazeneuve
1958 : L’exécution du duc d’Enghien de Stellio Lorenzi
1960 : Fille de l’homme de Roland-Bernard
1961 : Le Procès de Sainte-Thérèse de l'enfant Jésus de Guy Lessertisseur et Marc Maurette
1961 : Un bon petit diable de Jean-Paul Carrère
1962 : Mesdemoiselles Armande de René Lucot
1962 : La fille du capitaine d’Alain Boudet
1962 : Oncle Vania de Stellio Lorenzi
1963 : La vérité sur l’affaire du courrier de Lyon de Stellio Lorenzi
1963 : Jean Barois de Pierre Cardinal
1965 : Destins de Pierre Cardinal
1965 : Une nuit sans lendemain de Lazare Iglesis
1966 : Le train bleu s'arrête 13 fois de Michel Drach
1967 : Vidocq de Marcel Bluwal
1968 : Six chevaux bleus de Philippe Joulia
1970 : Isabelle de Jean-Paul Roux
1970 : Maurin des Maures de Claude Dagues
1972 : Albert Einstein de Gérard Chouchan
1972 : L'Homme qui revient de loin de Michel Wyn
1974 : Drôle de graine d’Henri Jœuf
1975 : Les Renards de Philippe Joulia
1976 : Comme du bon pain de Philippe Joulia
1976 : Le Siècle des lumières de Claude Brulé
1976 : Voyez-vous ce que je vois? d’Agnès Delarive
1976 : La Vie de Marianne de Pierre Cardinal
1976 : Gustalin de Guy Jorré
1978 : Preuves à l'appui de Jean Laviron
1978 : Ce diable d’homme de Marcel Camus
1979 : Paris-Vichy d’Anne Revel
1979 : Le Roi qui vient du sud de Marcel Camus et Heinz Schrirk
1980 : Le Secret de Batistin de Jean Maley
Filmographie d'Henri CRÉMIEUX