Servante de comédie
En 1910, elle épouse le théâtre et le comédien Marcel Millet, débutant ainsi une carrière de Cinquante ans sur les planches, selon le titre de son autobiographie parue en 1962, le sous-titre, Mémoires d'une servante, souligne à quel point elle sera une «bonne et loyale ouvrière du théâtre» mais il dit surtout son emploi favori. Toutefois, elle jouera Agrippine dans Britannicus ou Catherine de Médicis dans Margot avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay, sans parler d'une collaboration enthousiaste avec Georges Pitoëff pour Le canard sauvage d'Ibsen ou Ce soir on improvise de Pirandello.
Logeuse ou cuisinière
Au cinéma, qu'elle fréquente assidûment pendant une vingtaine d'années, elle tourne plus de 80 films, souvent plantée devant ses fourneaux ou installée dans une loge de concierge. Si son livre de mémoires n'en parle guère, c'est sans doute que les noms d'Antoine, de Dullin ou Pitoëff sonnent mieux que ceux de la plupart des réalisateurs qui l'ont dirigée mais on aurait apprécié qu'elle croque avec sa franchise coutumière Pabst ou Siodmak, Ophüls ou Carné. Elle tourne le premier film sonore français, La Route est belle avec le ténor André Baugé. Chez Jacques Tourneur, pour qui Tout ça ne vaut pas l'amour, mère d'un Jean Gabin débutant, elle s'enflamme pour le pharmacien Renaudin (Marcel Lévesque) et lui fait une déclaration inattendue qui le fait fuir à toutes jambes ! La même année, Le rosier de Madame Husson lui donne un rejeton bien benêt interprété par Fernandel. Madame Bijou, solide cantinière, ne bronche pas face au Capitaine Turluret joué par Raimu dans Les gaietés de l'escadron. Don Quichotte en fait la truculente compagne de Sancho Pança. Très vite, elle sera populaire comme le montrent les affiches de films où son nom paraît souvent en gros caractères, et même parfois au-dessus du titre comme pour Les surprises de la radio où elle entraîne sa petite famille à la découverte de la capitale. Affectueuse matrone, elle seconde Madeleine Renaud dans La maternelle de Jean-Benoît Lévy qui réclame de nouveau ses bons offices pour La mort du cygne. Le paquebot Tenacity la présente en aimable tenancière d'un hôtel du Havre. Dans l'excellent Pièges, cuisinière émérite nommée Sidonie Le Guellec, elle remporte, au grand désarroi d'une Milly Mathis éplorée, le titre de cordon bleu pour sa bécasse farcie et, en prime, le droit de valser avec Maurice Chevalier ! Nounou fidèle, elle s'occupe du petit garçon de Mistinguett dans Rigolboche comme elle prendra soin en habilleuse attentionnée de Micheline Presle alias Félicie Nanteuil, l'un de ses meilleurs films. Sa fibre maternelle vibre tout autant pour ce grand filou de Jules Berry, en Arsène Lupin détective dont elle incarne la fidèle servante, Victoire. Toutefois, dans Blanchette, le mariage avec Charles Granval ne lui réussit guère, leur fille, Marie Bell sombrant dans la prostitution. Le chemin de Rio la montre en bourgeoise égoïste profitant des deniers de son époux qui dirige un réseau de traite des blanches.
Vieille commère
Certes les chefs d'œuvre ne sont pas légion dans cette filmographie un peu trop bourrative. In extremis, Le jour se lève vient couronner une décennie riche en titres mais pauvre en grands réalisateurs. Concierge volubile de Jean Gabin, elle s'apitoie sur son sort dramatique. Après-guerre, Marcel Carné fera de nouveau appel à ses bons services pour Les portes de la nuit sous le plaisant pseudonyme de Madame Quinquina qui donne à Carette une ribambelle d'enfants. C'est l'époque où elle hérite de rôles de commère comme la Mère Brodequin de Clochemerle. Lasse sans doute de grimper les escaliers ou de servir à table, elle joue pourtant la bonne de Pierre Fresnay dans Les Œufs de l'autruche mais apprécie la promotion inédite que lui offre Jean Devaivre dans Un caprice de Caroline chérie où elle campe une gouailleuse marquise de Mortelone. Elle meurt à Paris, le 18 janvier 1965, à Paris. «Soucieuse de justice sociale et de solidarité professionnelle» selon les mots d'Edwige Feuillère qui écrivit la préface de ses souvenirs, cette comédienne cultivée milita activement au Syndicat des Artistes Interprètes.
FILMOGRAPHIE :
Avec Jean Gabin
1930 : Le Roi des Resquilleurs de Pierre Colombier
1931 : L'amoureuse Aventure de Wilhelm Thiele
1931 : Les Cinq Gentlemen Maudits de Julien Duvivier
1931 : La Fille et le Garçon de Wilhelm Thiele et Roger Le Bon
1931 : Gloria d'Hans Behrendt et Yvan Noé
1931 : Le Juif Polonais de Jean Kemm
1931 : Mam'zelle Nitouche de Marc Allégret
1931 : Tout ça ne vaut pas l'amour de Jacques Tourneur
1931 : Le Rosier de Madame Husson de Bernard-Deschamps
1932 : Le Crime du Bouif d'André Berthomieu
1932 : Les Gaietés de L'escadron de Maurice Tourneur
1932 : Les Vignes du Seigneur de René Hervil
1932 : Don Quichotte de Georg-Wilhelm Pabst
1932 : La Maternelle de Jean Benoît-Lévy et Marie Epstein
1933 : La Femme invisible de Georges Lacombe
1933 : Une Fois dans la vie de Max de Vaucorbeil
1933 : Au Bout du Monde de Gustav Uciky et Henri Chomette
1933 : Le Scandale de Marcel L'Herbier
1934 : Dactylo se marie de Joe May et René Pujol
1934 : Mam'zelle Spahi de Max de Vaucorbeil
1934 : Le Paquebot Tenacity de Julien Duvivier
1934 : Quadrille d'amour de Germain Fried et Richard Eichberg
1935 : Coup de Vent de Jean Dréville et Giovacchino Forzano
1935 : Jeunes Filles à marier de Jean Vallée
1936 : Blanchette de Pierre Caron
1936 : La Brigade en Jupons de Jean de Limur
1936 : Cour de Gosse de Georges Pallu
1936 : Jeunes Filles de Paris de Claude Vermorel
1936 : L'appel de la Vie de Georges Neveux
1936 : Ménilmontant de René Guissart
1936 : Prête-moi ta Femme de Maurice Cammage
1936 : Rigolboche de Christian Jaque
1936 : Le Chemin de Rio de Robert Siodmak
1936 : La Rose effeuillée de Georges Pallu
1936 : La Terre qui meurt de Jean Vallée
1936 : Trois. Six. Neuf de Raymond Rouleau
1937 : La Citadelle du Silence de Marcel L'herbier
1937 : Les deux Combinards de Jacques Houssin
1937 : Arsène Lupin Détective d'Henri Diamant-Berger
1937 : Le Puritain de Jeff Musso
1937 : Ces Dames aux Chapeaux verts de Maurice Cloche
1937 : La Fille de la Madelon de Georges Pallu Et Jean Mugelli
1937 : L'innocent de Maurice Cammage
1937 : Rendez-vous aux Champs-Élysées de Jacques Houssin
1937 : La Tragédie impériale de Marcel L'herbier
1937 : La Mort du Cygne de Jean Benoît-Lévy et Marie Epstein
1938 : Ma Sœur de Lait de Jean Boyer
1938 : Une de la Cavalerie de Maurice Cammage
1938 : Les Otages de Raymond Bernard
1938 : Le Mariage de Véréna de Jacques Daroy
1938 : Le Prince Bouboule de Jacques Houssin
1938 : Le Cour ébloui de Jean Vallée
1938 : Les Rois de la flotte de René Pujol
1938 : Les Cinq Sous de Lavarède de Maurice Cammage
1939 : Pièges de Robert Siodmak
1939 : Rappel immédiat de Léon Mathot
1939 : Le Jour se lève de Marcel Carné
1939 : Le Chemin de l'honneur de Jean-Paul Paulin
1939 : Le Monde tremblera de Richard Pottier
1939 : Sans Lendemain de Max Ophuls
1940 : Les Surprises de la Radio de Marcel Aboulker
1941 : Six Petites Filles en blanc d'Yvan Noé
1942 : Félicie Nanteuil de Marc Allégret
1945 : L'ange qu'on m'a donné de Jean Choux
1945 : Étoile sans lumière de Marcel Blistène
1946 : Les Portes de La Nuit de Marcel Carné
1947 : La Dame d'onze Heures de Jean Devaivre
1947 : Clochemerle de Pierre Chenal
1948 : Vire-Vent de Jean Faurez
1948 : L'inconnue N°13 de Jean-Paul Paulin
1949 : On ne triche pas avec la vie de René Delacroix et Paul Vandenberghe
1949 : Nous avons tous fait la même chose de René Sti
1949 : On n'aime qu'une fois de Jean Stelli
1949 : Vendetta en Camargue de Jean Devaivre
1951 : Agence Matrimoniale de Jean-Paul Le Chanois
1951 : Monsieur Octave de Maurice Boutel
1952 : Un Caprice de Caroline Chérie de Jean Devaivre
1952 : Mon Mari est merveilleux d'André Hunebelle
1957 : Les Œufs de l'autruche de Denysde La Patellière
1957 : Le Souffle du désir d'Henri Lepage
Filmographie de Mady BERRY